Alain Massabova itw pour Agoride
04/09/2003
Alors
que Cream devient indépendant, c'est l'occasion de faire enfin connaissance
avec son redac’chef, qui est aussi porte-parole flat de la marque Twenty
velocross et bien d'autres choses encore. Le bmx est une grande famille.
Que
dirais tu de toi à ceux qui ne te connaissent pas ou mal ?
Je suis Alain Massabova, 31 ans, flatlander depuis
toujours et impliqué jusqu'au cou dans le bmx. Je suis quelqu'un de très intéressant
à tout point de vue ! Je veux dire que j'apporte beaucoup à mes proches. Les gens
profitent bien de moi, on me fréquente souvent par profit mais je laisse
faire... Et je connais personnellement Lotfi Hammadi. Août 86, nous sommes au
Go sport des Halles, nous n'avions encore jamais vu de freestyle, tu hésites
entre un bmx et un vtt, 17 ans plus tard, tu penses toujours avoir fait le bon
choix ?
A cette époque je faisais déjà sans le savoir du freestyle avec mon vélo
à suspension. Je pense que si j'avais acheté un VTT, j'aurais fait des figures
dessus, et serais donc passé au bmx ensuite. Mais je ne fais pas du bmx par
passion pour le vélo, je ne cherche qu'à m'exprimer, c'est le freestyle qui
m'attire. Je pense avoir fait le bon choix, le plus important, le bmx m'a sauvé
de tout un tas de choses et j'essaie de le lui rendre...
Si tu pouvais
revenir en arrière que ne referais tu pas ?
Je ne regrette rien, malgré tout, toutes mes erreurs
m'ont beaucoup appris, surtout aux autres... S'il n'y avait qu'une seule chose,
c'est peut-être d'avoir embaucher la meuf de Petitet, ça a causé énormément
d'ennuis et ce n'est pas fini. C'est dommage. Mais elle m'a rendu service sans
le savoir puisque depuis cette histoire, je suis indépendant et ça marche mille
fois mieux. Merci. C'est vrai que j'ai fait des erreurs, mais ça m'a beaucoup
apporté, je recommencerai sans hésiter. Plus d'argent n'aurait pas forgé mon
expérience et n'aurait donc pas fait celui que je suis aujourd'hui. Car grâce
au bmx, j'existe, je m'exprime, je suis quelqu'un (je fais du bmx donc je
suis...). Tout l'or du monde n'offre pas forcément cette notion d'existence, au
contraire, c'est la galère qui m'a tout appris.
Comment
expliques-tu qu'il y ait 4 mags en France comparé à d'autres pays plus développés
qui en ont qu'un ou pas du tout?
De la même façon qu'il n'y a pas de rider original en
France, les français n'apportent rien de plus, ils se contentent de copier. La
France passe en dernier, nous avons toujours tout après les autres, nous ne
sommes pas dans les vidéos étrangères, où alors très peu (pour faire
plaisir)... Ce n'est pas une généralité, mais la créativité n'est pas notre
fort : quand quelque chose marche, on va faire la même chose, nous n'inventons
rien.
Il y a 6 ans quand il n'y avait plus de magazine, j'ai décidé
avec l'aide de Lionel Cardoso de monter un fanzine de bmx freestyle (Bmxicos).
Ensuite est apparu X-up, un fanzine de race. Puis j'ai pensé que c'était mieux
qu'il n'y ai qu'un mag alors, on s'est mis ensemble pour faire Bmx'up, Ça a très
vite merdé, tout le monde s'est barré, Lionel décidant de faire Soul, et avec
mon équipe (la même qu'aujourd'hui), j'ai peu de temps après lancé Cream avec
l'idée d'un magazine sur l'art de vivre le bmx, voir le bmx comme un moyen
d'expression et non un sport. Aujourd'hui, je n'explique pas la présence de
bmx'up et bmx'air, sauf s'ils se consacrent qu'à la race (ce qui serait légitime).
L'idéal serait d'avoir qu'un magazine de race, Soul mettant en avant le côté
sportif et technique du bmx, et Cream développant l'aspect artistique (créatif)
et culturel. Mais ce n'est pas aussi simple...
Je
fais partie de ceux qui pensent qu'il vaut mieux ne faire qu'une chose mais la
faire bien, ne penses-tu pas que c'est à cause de ça que le bmx est si mal géré
en France, parce que tout le monde veut tout faire ?
De loin on pourrait croire que je fais beaucoup de
choses, mais je n'ai qu'une activité : développer le bmx. Tout est lié, que je
sois en train de rider, diriger un magazine, organiser un contest ou gérer un
shop : je ne fais que du bmx... Si je ne faisais qu'une seule chose, ça ne marcherait
pas. Je suis crédible parce que je suis un rider, c'est pour ça que j'ai des
sponsors et qu'on me demande d'organiser les événements. C'est pour ça aussi
que je peux faire des reportages, car je sais de quoi je parle. Et comme je
connais la plupart des riders, et que les gens ont confiance en moi (sinon je
ne serai plus là !), c'est assez simple de tout regrouper, puisqu'aujourd'hui,
le bmx est dirigé par les riders, je ne cottois presque que des riders.
Le problème n'est pas de tout faire, mais de faire les
choses bien et dans les règles de l'art. C'est un peu comme quand tu organises
une soirée : tout le monde va s'amuser sauf toi ! Il faut le savoir. Celui qui
veut tout avoir dans ce sens, commettra une erreur. C'est pour ça que je ne
participe pas aux compétitions que j'organise, que je ne me passe pas dans le
magazine. On ne peut pas tout avoir. La méthode est de donner autant qu'on reçoit,
il faut savoir partager pour durer. Il y a plus de 10 personnes qui vivent de
mes activités, je reverse tout, et c'est pour ça que j'en suis là.
Que réponds
tu à ceux qui disent que Cream est trop élitiste et trop parisianiste ?
Trop parisien, c'est faux puisque je suis le seul
parisien de la Cream team. Le mag est fait en majorité par des sudistes (David,
Daniel, Manu, Dropsy, artz1...). Même si je le dirige, c'est eux qui font les
textes et photos. Pour le côté élitiste, je suis assez d'accord, mais j'ai ma
façon de voir les choses. J'aime donner de la valeur aux choses, avoir une
sorte de mérite. Aujourd'hui, à peine tu lèves la roue avant que tu passes en
photos dans un magazine ! Le côté sélectif relève le niveau : si on ne passe
que des choses bien, ça relèvera le niveau. Je ne parle pas des riders, des
marques ou des évènements qui ne sont pas représentatifs du bmx. Si nous
faisons de la sélection matos, ça poussera les marques à faire de meilleures pièces.
Comme un rider, il sera beaucoup plus heureux de se voir dans un magazine
un peu élitiste que dans un torchon ! Ceux qui sont passés en interview dans
Cream en sont fier, du coup je suis fiers aussi pour ça, et tout le monde est
content... Mais nous ne sommes quand même pas trop sélectif à ce point, qui
n'est pas passé dans Cream ?
Quand
est ce que tu apprends hitchiker ?
Je ne sais pas. C'est la figure des débutants, tout le
monde la fait. D'un côté j'aimerai l'apprendre mais le fait que ce soit
imposé me gène. En France nous faisons tous les mêmes figures... Les mecs
originaux dans le monde ne se contentent pas de faire hitchiker : les japs,
Paul Osika, Chase Gouin sont des mecs influents et ne se prennent pas la tête
avec ça. Souvent ceux qui font hitchiker, c'est pour se justifier un niveau, se
trouver fort, il ne font rien d'autre que ça et ça leur permet de se trouver fort,
ce qui est faux. A part Kevin et Martti qui peut prétendre apporter quelque
chose de plus aux hitchikers ? J’attends de voir. Pour moi, maintenant que j'ai
retrouvé la forme (je n'ai plus de problème de dos), je ne suis pas pressé de
l'apprendre, mais faut surtout pas me forcer!
Les
Mexicos, que sont-ils devenus ?
Très bonne question, vaste sujet que les Mexicos. Je vais
essayer de faire court...
Les Mexicos c'est avant tout une bande de potes dévoués
au bmx. C'est dans la peau, c'est une façon d'exister qui vous marque à vie.
Les Mexicos sont nés dans les cités du 19ème de Paris et ne peuvent disparaître...
Ce nom qu'on nous a jeté, il y a 15 ans, sera toute ma vie. Notre philosophie, à
l'époque, était de vivre le bmx à 100%, on dormait avec nos vélos et nos
protections, on faisait du vélo jour et nuit, c'était du hardcore riding. Dans
ce mouvement, nous avons adopté le jeune Alexandre Jumelin, le sortant ainsi de
sa banlieue (et de ses études aussi !), il est venu rejoindre Lotfi, Marcos,
Gladys, Fred et plein d'autres qui squattaient chez nous (les Massabova). Puis
de là, nous sommes devenus le Mexicos posse. Une époque inoubliable : nous
faisions des démos de partout pour manger et s'acheter des Nike... De l'extérieur,
c'était très attirant, alors plein d'autres nous ont aussi rejoint par la
suite. Mais ça commençait à prendre de l'importance, l'argent, les sponsors et
meufs se sont chargés de nous séparer. Aujourd'hui, rien a changé pour moi, ça
reste dans mon sang, ces souvenirs sont indélébiles, se sont mes fondations,
j'ai continué de créer mon univers. Mexicos, c'est mon entreprise, ç'est ma
vie, tout ce que je fais se retrouve dedans. Les gens viennent et s'en vont,
moi je continue par passion...
Ne
penses-tu pas que les Mexicos ont donné une mauvaise image du flat en Europe
quand tu vois tout ces gamins avec un slip sur la tête qui privilégient que le
style avec deux tricks dans leur routine et qui regardent tout le monde de
haut ?
Dans un sens, c'est vrai, c'est pour ça aussi que ceux
qui donnaient une mauvaise image ne sont plus là. C'est vrai que je commençais à
me griller avec ces conneries. Tout ce qu'on avait construit au fil des années,
commençait à être mal vu avec tous ces racontages inutiles. J'en ai souffert
mais je les ai beaucoup assumé, je ne regrette pas tant que ça, je prend les
gens comme ils sont. J'ai pris sur moi leurs connerie. Nous, avant on se la
racontait pour le délire, ce n'était pas sérieux, il n'y avait rien de méchant,
on en rigolait bien. Maintenant ceux qui se la racontent bad boy, c'est des
merdeux, c'est vide, il n'y a rien dedans, tout ça repose sur rien. Ils ont
tous le même style et n'ont donc plus de personnalité, ils n'existent pas. Ils
sont tous pareils et donc, plus ils se montrent et moins on les voit.
A force
d'avancer en reculant avec des belles paroles, que comptes tu faire concrètement
maintenant pour vraiment faire avancer les choses ?
Répondre à cette interview...
Je ne suis pas là pour faire de la promo pour mes activités
mais j'ai quelques solutions que je suis en train (depuis 1 an) de mettre en
place. A travers toutes mes activités, j'ai le but de tout regrouper pour tout
consolider. Je transforme le tout en une agence qui dirigera le magazine, le réseau
de contests, les démos, les shops, le design et plein d'autres choses autour du
bmx. Ensuite, vous vous en apercevrez des le prochain Cream, j'aimerai m'ouvrir
beaucoup aux non-riders. Et c'est ce qui fera vraiment développer le bmx. C'est
bien de faire des choses pour les riders, c'était mon premier but, mais
l'avenir c'est de faire la promo du bmx au reste du monde pour faire de
nouveaux adeptes, S'il n'y a pas de relève, tout ce qu'on fait ne sert plus à
rien. Mon but est de sortir le bmx de ce micro-monde et d'être toujours contrôlé
par les riders. C'est pour ces raisons que je travaille avec le salon Who's
next pour promouvoir le bmx avec une expo, démo, soirée, afin d'attirer ceux
qui créent les tendances vers le bmx. Quand Spielberg a décidé de mettre du bmx
dans son film, E.T., des millions de bmx se sont vendus dans le monde...
Quels
sont tes projets à court et long terme ?
A court terme, je suis en train de finir le prochain
Cream, qui sera une édition spéciale pour le Who's next, début septembre. Je prépare
un livre sur le bmx, qui sera un best-of-Cream pour fin septembre. Je travaille
avec les frères Costes pour développer l'aspect artistiques de ces projets. Je
bosse aussi avec Artzone pour ouvrir un vrai bmx shop à Grenoble. Je dirige
avec lui le Flatimeking, fin septembre, c'est du boulot. Il y aussi le Calendar
2004 de Manu Sanz sur lequel je passe du temps. Et j'aimerai avoir le temps de
finir mon site internet qui réunira le tout. Mais je fais aussi beaucoup de démos
puisque je suis associé à la famille de Marseille, et je viens de signer un
contrat avec Playstation pour des démos. Voilà pour aout/septembre, ça va faire
travailler beaucoup de monde...
A long terme : la ligne de vélo Twenty Family
est presque fini (le cadre sort pour la rentrée), j'organise plusieurs contests
à Marseille, et je suis en train de monter un événement sur Paris avec Vans
(c'est primordial pour notre développement). Puis plein d'autres choses qui
sont en train de se cogiter sur Paris, dont une ligne de wear Cream avec des
personnalités... Je ne vais pas tout dévoiler non plus.
De
quoi es-tu le plus fier aujourd'hui ?
Je suis fier d'en être arrivé là, ça n'a pas été facile.
La seule chose qui compte pour moi est de rendre fier celui qui me regarde de là-haut.
Je veux juste être honnête avec moi, que ma famille soit fière et servir
d'exemple. J'ai fait beaucoup de choses jusqu'ici qui pourraient me rendre
fier, comme monter la bmx pride, regroupant ainsi plus de 300 riders foutant le
bordel dans Paris, j'étais fier de voir Alex gagner, fier que l'on m'écoute
quand je parle (il m'en faut peu), fier pour Lotfi, fier du 1er Palavas, fier
d'avoir mon itw dans Ride, fier d'être pote avec Daniel Mini, fier d'avoir pu
acheter un appart dans le Marais (Paris 3ème) avec Diane et Babette... Je suis
fier de vraiment beaucoup de choses, mais ce dont je suis le plus fier, c'est
bien sûr Cream. Quand on a arrêté avec l'ancien éditeur, j'ai demandé à ceux
que connaissais de me dire ce qu'ils en pensaient. Je n'était pas sur de
continuer, mais on a reçu des réponses de tous les pays, on ne s'est pas posé
de questions. Au lieu de vous expliquer pendant des heures, voici juste la
dernière lettre que l'on à reçu, il s'agît de Bobby Carter (Diversion Video
Magazine, Bachelors of Arts) :
"Here
is my honest reaction to Cream BMX. Cream is the best magazine out there that
represents the culture of the BMX lifestyle. It has inspired many, including
myself, to progess BMX media to the next level. The articles and photo layouts
create an experience that the reader can enjoy many times over. I don't know
anybody who reads Cream and throws it away. Every issue is kept for future
references and motivation! As a rider, I can relate to every article as
everything is presented by experienced riders. It motivates me to go ride and
progress my own riding and enjoy riding everyday. As a video maker, the
artistic effort that goes into every Cream issue pushes me to raise the level
of production of my own video series. I keep looking forward to seeing every
issue of Cream for all around motivation. It is the leader in terms of
presenting BMX in a way that will help the entire industry grow and prosper in
the future."
Vous comprenez notre motivation, il y a de quoi être
fier... Au passage, merci beaucoup à tous ceux qui ont répondu.
Tu
penses que le bmx est arrivé à son apogée ou penses-tu qu'il pourra se développer
plus ?
Difficile à dire, le boom des années 85-87 ne se
reproduira pas, mais c'était une mode. Le bmx aujourd'hui ne revient plus comme
une mode pour enfant mais s'installe tranquillement dans la société. Ce n'est
plus original de faire du bmx. Il n'y aura pas vraiment d'apogée, le bmx va se
développer comme tous les autres sports/loisirs. Ce n'est pas pour autant
qu'il va disparaître, ce sera comme le skate, la mode est passée mais il reste
pourtant bien présent. Pour connaître l'avenir du bmx, regarde le skate...
Tu
penses que ce sont les médias qui dirigent le peuple ou l'inverse ?
Les médias dirigent le monde qui dirigent les médias...
La différence c'est que les médias le savent, le monde ne sait pas que sans
lui, ils ne seraient rien. Le roi appartient à son peuple, il ne serait rien
sans eux, dans ce sens, c'est lui l'esclave...
Si tu
te retrouves au bord du gouffre, mettras-tu de la race dans Cream ?
Non, car ça ne serait plus moi. Si je mets de la race
dans Cream, je perds toute crédibilité. Notre force, c'est l'authenticité. La
race, c'est de la vitesse, de la course, du motocross, du VTT, je ne m'intéresse
qu'au freestyle et à la créativité du bmx. C'est pour ça que je ne suis pas un
bmxer (faire du motocross à vélo) mais un bmx rider. La race n'est pas mon
univers, ça n'empêche pas de respecter mes ancêtres.
Ton prénom
vient d'Alain Barrière ou d'Alain Delon ? (j'ai la réponse)
Je ressemble beaucoup plus à Delon qu'à Barrière, non ?
Il y a un peu de Alain Delon dans moi...
Quelque
chose à ajouter ?
Bien que tous ces mots semblent prétentieux, tout s'est
fait naturellement, par passion, je ne compte pas.
Merci à tous les bmx riders, tous ceux que j'ai croisé dans
ma vie, mes amis, mes ennemis qui me font avancer, ma famille qui a besoin de
moi, toute l'équipe de Cream, Manu Sanz, Daniel, David, Artzone, Bérengère, Van
Hanja, Antoine, le crew Kustom Culture, PH, Steph Oldschool, les Mexicos, en
particulier Lotfi, les Twenty : Alex, Thomas, Tonton et les autres, Vans,
Carhartt, Wethepeople, Flatlandfuel, Quamen, la famille de Marseille : William
et le Yo, les Coste bros, Nadir qui rend possible mes rêves et ma future femme
Diane.
Merci à tous.